Kivu : victimes des bandes armées et des grandes puissances
Nous reproduisons ci-dessous un article publié par nos camarades de « Lutte Ouvrière » dans leur hebdomadaire n° 2318 du 4 janvier 2013
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Le Kivu est une région de la République démocratique du Congo (RDC), ancien Congo belge. Elle est située à un millier de kilomètres à l’Est de la capitale, Kinshasa, et jouxte le Rwanda. Cette région est au cœur des convoitises des grandes puissances depuis plus d’un siècle.
L’indépendance du Congo belge avait été arrachée après une longue lutte le 30 juin 1960, mais ensuite les États-Unis et la France apportèrent leur appui à la Belgique pour que, dans les faits, rien ne change si ce n’est le développement de mouvements sur des bases régionalistes et ethniques. Ils soutinrent la sinistre dictature de Mobutu, installée par un coup d’État préparé par la monarchie belge, l’ONU et la CIA. Trois décennies durant, ce régime assurera aux compagnies minières la mainmise sur les immenses richesses du sous-sol de différentes provinces, parmi lesquelles le Kivu.
Une conséquence de l’opération « Turquoise »
La situation dramatique actuelle au Kivu est une conséquence du génocide au Rwanda où le régime, sous haute protection de la France et de son armée, fit assassiner par centaines de milliers les Tutsis et tous les opposants hutus au régime. En 1994, lorsque le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, s’appuyant sur les Tutsis, menaça le régime, l’armée française, sous mandat de l’ONU, s’interposa pour ralentir la marche du FPR, puis pour permettre aux sbires du régime et aux bandes de massacreurs de fuir et de se réfugier au… Kivu. Ce fut « l’opération Turquoise ».
Un million et demi de réfugiés hutus en provenance du Rwanda voisin y affluèrent, encadrés par l’armée et les milices hutues, avec l’aide de Mobutu et de l’armée française. Le pays en fut déstabilisé. Le Kivu servait de base arrière aux opposants au régime de Kagamé et de son côté celui-ci voulait profiter de l’affaiblissement de Mobutu pour accéder aux richesses minières de cette région. En octobre 1996, le Congo plongeait dans la guerre, qui se solda six mois plus tard par la chute de Mobutu, sans que la population voie son sort s’améliorer. Le pays restait dans un état déliquescent, et les bandes armées reconverties ou pas en bataillons de l’armée régulière de la RDC continuèrent à faire régner la terreur dans le Kivu.
Nouvelle intervention de l’ONU
En 1998, une nouvelle guerre se déclencha, allant jusqu’à impliquer huit États de la région, ce qui conduisit l’année suivante les grandes puissances à créer, dans le cadre de l’ONU, une mission de « stabilisation », forte de quelque 20 000 hommes, qui comme toujours est là non pas pour « garantir la paix » mais simplement pour assurer la continuité des affaires des groupes capitalistes qui, guerre ou pas, continuent l’exploitation des richesses du pays. Ces grands groupes sont intéressés en particulier par la cassitérite, un minerai dont on tire l’étain, ou le coltan, utilisé dans l’industrie électronique, ou encore les réserves de pétrole que recèle le Kivu.
Comme dans toutes les guerres en Afrique, du Congo au Sierra Leone, derrière les bandes armées locales, il y a les intérêts des différents groupes capitalistes rivaux et leurs États respectifs. L’armée officielle de la RDC n’est qu’une bande armée parmi d’autres.
Et c’est bien pour le bénéfice des grands groupes industriels et financiers des métropoles impérialistes prétendument civilisées que les populations du Kivu subissent les viols, les assassinats, les enlèvements destinés à recruter des enfants-soldats, et qu’elles sont abandonnées à la loi des bandes de tueurs, y compris l’armée officielle de la RDC, qui bénéficie de la complicité des forces de l’ONU.