Éditorial

Le scandale des enfants-talibés

06 mars 2014

SÉNEGAL

Dans la nuit du 3 mars, neuf enfants âgés de 7 à 12 ans ont trouvé la mort dans l’incendie d’un baraquement qui leur tenait lieu d’école coranique. C’était des enfants de familles pauvres. Leurs parents, n’ayant pas les moyens de les nourrir, les avaient confiés à un marabout. Celui-ci, en échange de « l’éducation coranique » qu’il leur prodiguait les utilisait comme « enfants-esclaves » en les obligeant à parcourir la ville et à mendier pour lui ramener quelques pièces. Malheur à celui qui ne rapporte pas assez d’argent. Il recevra des coups et ne sera pas nourri.

De nombreux cas de maltraitance ont défrayé la chronique. En 2010, un « maître coranique » à Grand-Yoff (un quartier périphérique de Dakar) a été condamné à un an de prison pour avoir infligé des coups à deux enfants qui lui avaient été confiés. En 2008, un autre marabout a été condamné à trois ans de prison dans la ville de Kaolack, pour le même motif.

La mort tragique de neuf enfants dans un incendie a choqué, à juste raison, les habitants du quartier où se trouvait cette école coranique. Les habitants savaient que ces enfants n’apprenaient rien. Ils savaient que leur marabout se faisait de l’argent sur leur dos et les maltraitait. Tout cela se faisait au vu et au su des autorités qui fermaient les yeux sur ces pratiques.

Les ONG s’occupant des droits des enfants ont souvent dénoncé l’existence de ces lieux de maltraitance. Elles estiment que le nombre d’enfants-talibés se trouvant sous la coupe des marabouts exploiteurs dépassent les 50 000. On les voit mendier à travers les villes.

Les autorités connaissent parfaitement l’existence de ces enfants-esclaves mais préfèrent fermer les yeux car elles n’ont jamais osé aller à l’encontre des intérêts des grandes confréries religieuses dont la prospérité provient justement de l’existences de cette pratique moyenâgeuse.

Les grands marabouts de la confrérie des mourides sont devenus riches et prospères en utilisant la main d’œuvre gratuite de leur talibés dans leurs grandes plantations d’arachide, mais aussi en les envoyant mendier aux quatre coins du pays.

Depuis Senghor, en passant par Abdou Diouf, Wade et aujourd’hui Macky Sall, les pouvoirs qui se sont succédé dans ce pays ont brillé par leur hypocrisie. A chaque scandale, à chaque mort tragique d’enfants maltraités, les autorités font semblant de claironner que la mendicité sur le lieu public est interdite au Sénégal. Elles font semblant d’agir et puis quelques jours après tout redevient comme avant et les marabouts font ce qu’ils veulent.

Il y a toujours des familles pauvres qui sont poussées par la misère et tentées d’abandonner leur progéniture à des marabouts ou prétendus tels. Le problème n’est pas d’interdire la mendicité dans la ville mais de faire en sorte que la misère disparaisse et que tous les enfants puissent être nourris et éduqués dignement. Mais si l’on ne combat pas le système capitaliste on ne mettra jamais fin à la misère et aux injustices qu’il engendre.