L’impérialisme français et ses anciens tirailleurs africains
France – afrique
Le président français Emmanuel Macron a fait tout un cinéma en accordant à neuf anciens combattants d’origine sénégalaise, âgés de 85 à 96 ans, le droit de finir leurs jours auprès de leurs familles au Sénégal sans être obligés de rester six mois par an en France pour pouvoir percevoir leur allocation minimale de vieillesse d’un montant de 950 euros par mois. Ce geste a été présenté comme un cadeau présidentiel. Macron a rajouté une couche de paternalisme en accordant une aide financière pour les frais de voyage et de réinstallation de ces anciens tirailleurs dans leur pays d’origine.
Jusqu’ici, ni Macron ni ses prédécesseurs ne s’étaient jamais penchés sur le triste sort de ces anciens combattants africains qui croupissaient dans des logements ne dépassant pas 15 mètres carrés et qui ne bénéficiaient pas des mêmes traitements que leurs frères d’arme français. Le mépris avec lequel l’État français les a traités illustre le type de relation que la France a entretenu et continue d’entretenir avec les populations de ses anciennes colonies.
La création d’un corps de tirailleurs dits « sénégalais » répondait initialement à un besoin d’effectifs pour les guerres coloniales tout au long du 19ème siècle en Afrique et à Madagascar. Dès 1830, la France a commencé à recruter des soldats dans ses colonies. Le décret créant formellement au Sénégal un corps d’infanterie indigène sous la dénomination de « tirailleurs sénégalais », date du 21 juillet 1857 sous Napoléon III. Ces soldats, qui venaient de toute l’Afrique noire, étaient souvent des « volontaires forcés » désignés par les chefs de villages qui se débarrassaient ainsi des gêneurs de toute nature. Leur effectif est passé de 1 000 en 1867 à 15 000 hommes en 1913. « L’Afrique nous a coûté des monceaux d’or, des milliers de soldats et des flots de sang. Mais les hommes et le sang, elle doit nous les rendre avec usure », affirmait alors Adolphe Massimy qui fut ministre de la Guerre et des Colonies entre 1911 et 1914.
Leur recrutement s’est fortement accru lors de la 1ère et 2ème guerre mondiale. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux y ont laissé leur vie. Certains ont été démobilisés à la fin de la 2ème guerre mondiale, d’autres envoyés dans les colonies (Indochine, Algérie, Madagascar, Cameroun, etc.) pour mâter les populations qui se révoltaient et réclamaient leur indépendance.
Le mépris avec lequel l’État français traitait ses tirailleurs a fini par provoquer des révoltes et des mutineries. Celle de Thiaroye au Sénégal en novembre 1944 est la plus connue. Plus de 1 600 soldats africains (officiellement 1 280) issus de différentes colonies françaises d’Afrique (Sénégal, Dahomey -actuel Bénin- Soudan français -actuel Mali- Côte d’Ivoire, Oubangui Chari -actuels Tchad et Centrafrique-, Niger, Gabon et Togo) étaient regroupés dans le camp de Thiaroye à une quinzaine de kilomètres du centre de Dakar avant de rentrer chez eux après avoir touché leur pécule. Mais le versement des primes de démobilisation et des arriérés de solde ont été arbitrairement diminués ou supprimés. Une mutinerie éclata, la répression fut sanglante. Officiellement l’armée française a reconnu 38 morts chez les insurgés, certains historiens parlent de plusieurs centaines de victimes.
C’est ainsi que l’État français remercia ceux qu’il avait utilisés comme chair à canon durant la guerre. La haine des populations contre le colonialisme n’a fait que se renforcer.
Aujourd’hui, Macron avec son discours paternaliste et hypocrite sur le passé colonial de la France, n’est en réalité que le continuateur de la politique impérialiste de l’État français. Les anciennes colonies sont devenues formellement indépendantes depuis plus de 60 ans, mais l’État français y est toujours présent avec ses hommes de paille et ses bases militaires pour défendre les intérêts des grands capitalistes français.