50ème anniversaire de la mort de Nkrumah : l’Afrique unie sera socialiste
Ghana
À l’occasion du 50ème anniversaire de la mort de Kwame Nkrumah, de nombreux médias ont publié des documents sur la vie et les idées de cet homme considéré comme le père du panafricanisme.
Au lendemain des indépendances des pays africains, deux tendances s’affrontaient. Il y avait le groupe de Casablanca dont faisait partie Nkrumah qui était pour la fédération des États africains afin de palier les faiblesses des micro-États issus du découpage colonial. En face il y avait le groupe de Monrovia (le Nigéria et les pays francophones), qui ne voulait pas en entendre parler de fédération. Il estimait que chaque président devait gérer son pays. C’est cette position qui l’emporta à la naissance de l’OUA, le 25 mai 1963 à Addis-Abeba.
Qui était Kwame Nkrumah ?
Il est né en 1909 dans une famille modeste, dans un village du sud-ouest de l’ancien Gold Coast devenu Ghana après l’indépendance. En 1935, après son premier cycle d’études, il se rendit aux États-Unis pour continuer ses études. C’est là-bas qu’il découvrit les idées socialistes, mais aussi des militants noirs tels que Marcus Garvey et W.E.B. Du Bois. La pensée pan-négriste et panafricaniste de ces derniers alimenta sa propre prise de conscience et le transforma en un nationaliste africain.
Parallèlement à ses études, il se lança dans le militantisme, rejoignant l’association des étudiants africains des États-Unis et du Canada dont il deviendra le président. Son militantisme le conduisit ensuite en Angleterre où il s’imposa très vite comme un des hommes-clés du mouvement panafricain. À ce titre, il organisa le 5ème congrès panafricain qui se tint à Manchester en 1945.
Une fois rentré au pays en 1947, Nkrumah se lança dans la lutte pour la décolonisation de Gold Coast. Il fut arrêté et jeté en prison pour agitation politique. Cela n’a fait que le rendre encore plus populaire dans son pays au moment où l’aspiration à la liberté et à l’indépendance se propageait de plus en plus. Il crée son parti le CPP (Convention People’s Party) qui prendra les rênes du pouvoir lors de la proclamation de l’indépendance le 6 mars 1957.
Il proclama sa volonté de continuer d’œuvrer pour une Afrique réunifiée et fit une unification symbolique avec la Guinée de Sékou Touré, pays avec lequel le Ghana n’avait aucune frontière commune. Sékou Touré le nomma comme coprésident honorifique de la Guinée mais leur idylle n’alla pas plus loin.
Les limites du panafricanisme à la sauce Nkrumah
C’est cette posture de militant pour l’union des États africains (panafricanisme) qui auréole encore aujourd’hui Kwame Nkrumah. Cette idée de créer un ensemble plus vaste qui permettrait au continent africain de mieux se défendre contre le pillage impérialiste et de développer son économie, continue d’avoir un écho favorable dans une partie de l’intelligentsia africaine.
Ceux qui se réclament des idéaux de Nkrumah fustigent très souvent le rendez-vous manqué d’Addis-Abeba en 1963, où les tenants de la thèse fédéraliste n’ont pas obtenu la majorité lors de la création de l’OUA. Pour eux, nombre de maux qui minent l’Afrique découleraient de là. C’est pour le moins naïf.
Certes, une Afrique constituée d’États fédérés aurait plus de poids qu’un État-croupion et permettrait de réaliser plus de choses qu’un État pris individuellement. Mais croire que la création des États-Unis d’Afrique aurait dépendu du simple vote des chefs d’États africains, c’est plus que de la naïveté. Nulle part il n’est question de la nécessité de l’intervention des masses africaines sur l’arène politique.
Nombres de gouvernements mis en place dans les anciennes colonies, n’étaient qu’une continuité en couleur locale de l’administration coloniale et leurs dirigeants continuaient à prendre leurs instructions directement auprès de l’ancienne métropole coloniale. Ces dernières avaient encore trop besoin des ressources de leurs ex-colonies pour risquer d’en perdre le contrôle, cela reste encore vrai aujourd’hui. C’est l’une des raisons pour laquelle les anciennes puissances coloniales ont émietté le continent en petit morceaux plus malléable à l’heure des indépendances.
L’unité africaine n’aurait été possible qu’au prix de luttes acharnées des peuples opprimés contre l’impérialisme et contre ses valets locaux. Mais ni Nkrumah, ni les autres leaders politiques africains ne l’ont réellement souhaité et tenté. Pendant la période de décolonisation, il y a eu des luttes, y compris armées, ainsi que des organisations politiques combattantes mais elles sont restées strictement dans le cadre nationaliste étriqué.
50 ans après la mort de Nkrumah le panafricanisme fait toujours rêver dans un petit milieu de la petite bourgeoisie intellectuelle ou des artistes africains. Mais cela ressemble plus à de l’incantation qu’à une véritable envie d’agir politiquement et concrètement au sein des masses opprimés et exploitées.
Les révolutionnaires communistes sont les seuls à vouloir réellement un monde sans frontières et à s’en donner les moyens politiques en militants au sein de la classe ouvrière sans distinction de nationalité, de couleur de peau ou de religion. Ils luttent contre les idées nationalistes qui veulent perpétuer les barrières artificielles entre les exploités. Ils vont au-delà du panafricanisme incantatoire des bourgeois car ils veulent non seulement abolir les frontières entre les peuples mais abolir aussi le capitalisme qui les a créées pour ses propres besoins.
L’appel lancé par Karl Marx en 1848 : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » est d’une actualité brulante encore aujourd’hui, en Europe, en Afrique et ailleurs au moment où la crise économique et la flambée des prix aggravent les conditions d’existence de la majorité pauvre des populations et où les idées racistes, ethnistes, communautaristes et nationalistes sèment leur poison.