Sivop : à trop tirer sur la corde, ça finit par casser
Le quotidien des travailleurs
Les travailleurs journaliers de SIVOP (branche cosmétique, à la zone industrielle de Yopougon) ont fait grève pour marquer leur solidarité avec l’un de leurs collègues renvoyés.
Cette entreprise est connue pour ses conditions de travail particulièrement difficiles. La direction exige des chaussures de sécurité, mais les travailleurs journaliers, qui sont de loin les plus nombreux, n’ont droit ni aux chaussures ni à la tenue de travail. Tout est à leurs frais, ils doivent obligatoirement acheter à l’usine, pour une somme de 2500 F, une chasuble qui fait office de tenue de travail.
À l’intérieur de l’usine, la chaleur est intense, il n’y a aucun système de ventilation pour rafraîchir un peu la température. La pression sur le dos des travailleurs est énorme. À la moindre erreur, les sanctions pleuvent. Les renvois sont monnaie courante. Les ouvriers travaillent avec la peur au ventre car ils sont sous la menace permanente de sanction ou de renvoi. Il n’y a pas de bulletin de paye. La plupart du temps, la paye vient avec plus d’une semaine de retard.
Chaque jour à la descente, la direction exige que les travailleurs se mettent en rang avant de sortir de l’usine. Ils doivent attendre le signal d’un chef et marcher au pas comme des élèves de CP1, puis ils sont fouillés avant de franchir la porte de sortie.
La colère longtemps retenue a fini par éclater. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est que ce jour-là, une forte pluie menaçait de tomber, et tout le monde sait que lorsqu’il pleut sur la zone industrielle, elle est complètement inondée. Les travailleurs ont donc refusé de se soumettre à ce cérémonial folklorique et humiliant. Mais à cause de ce refus d’obéir, l’un d’entre eux a été renvoyé le lendemain. La direction croyait certainement que cet énième renvoi allait passer sans problème. Mais cette fois-ci cela ne n’est pas passé comme d’habitude car les travailleurs se sont mis spontanément en grève pour protester contre ce renvoi abusif.
Dès l’entame de la grève, le patron a fait appel à la police, la gendarmerie, la BAE, l’Inspection du travail et même à un syndicat maison pour dire aux travailleurs que leur grève est illégale sous prétexte qu’ils n’ont pas déposé un préavis. Mais les travailleurs ne se sont pas laissés intimider par cet impressionnant dispositif et ont tenu bon pendant trois jours.
Finalement, plus d’une centaine de travailleurs ont été renvoyés. Le patron pense ainsi avoir gagné la partie, mais les problèmes posés par les travailleurs sont toujours là. Les mêmes causes créant les mêmes effets, cette situation va tôt ou tard lui exploser au visage et il l’aura bien mérité. Souhaitons que la prochaine fois, les travailleurs trouveront les moyens de lui rendre la monnaie de sa pièce en étant mieux organisés et se donneront les moyens d’étendre le mouvement dans l’ensemble de l’usine et même au-delà car l’exploitation et le mépris sont les mêmes partout.