Les vrais ennemis des pauvres c’est la bourgeoisie et l’État à son service
LEUR SOCIÉTÉ
Une vidéo montrant de prétendus ivoiriens en train d’être bastonnés par des prétendus nigériens s’est propagée comme une trainée de poudre dans les réseaux sociaux. Il se trouve que les informations que cette vidéo prétend dévoiler, sont fausses mais cela a déclenché une flambée de violence dans les communes populaires d’Abidjan. Des voyous, en majorité des jeunes, ont déversé leur haine et leur colère sur la communauté haoussa originaire du Niger alors qu’elle n’y est pour rien dans cette affaire. Au début, c’était la chasse à l’homme, des affrontements entre des voyous ivoiriens et des ressortissants nigériens, puis cela va très vite se transformer en pillage des biens et saccage des lieux de commerce tenus par des nigériens.
À Abobo, commune populaire d’Abidjan, les haoussas sont très actifs dans le commerce informel. Les attaques ont commencé le 19 mai à la casse d’Abobo et ce n’est pas fortuit. Les nigériens y sont perçus comme des gens faisant de la concurrence aux ivoiriens dans le commerce de la ferraille et des tôles. Les attaques se sont ensuite étendues à d’autres secteurs d’activité où cette communauté est relativement active comme : les « garbadromes », la vente de choukouyas, la friperie, la blanchisserie, la vente de tissus, de pagnes et du bois pour les chantiers (planches et chevrons). Il y en a aussi qui tiennent de petites boutiques de quartier ou des kiosques à café. Le pillage a duré toute la nuit du 19 mai. Il y a eu des dizaines de blessés à la machette et deux morts.
Les scènes de violence se déroulaient devant les yeux des corps habillés et de certains passants qui encourageaient cette initiative. On entendait des remarques du genre : « Ils (les nigériens) sont arrogants, ils sont impolis, ils ne connaissent pas leur place, ils ont envahi notre pays, à cause des étrangers nous souffrons, les ivoiriens doivent se faire respecter, etc ». Des situations similaires ont eu lieu dans d’autres communes d’Abidjan à des degrés divers.
Deux jours après les faits, la maire honoraire de la commune d’Abobo, Kandia Camara, qui est en même temps ministre des Affaires Étrangères, a fait un déplacement à la casse d’Abobo Anador et a échangé quelques paroles apaisantes. C’est un peu comme le pompier pyromane qui surgit après les dégâts pour cacher sa responsabilité.
Bien évidemment, cette vidéo n’est pas la véritable cause de cette flambée de violence. Certes, il peut y avoir des personnes dont les parents, dans leur tentative de partir en Europe, ont été faits prisonniers en cours de route en Libye ou tabassés ailleurs comme semble le montrer cette vidéo. Certains ont été peut-être tentés de se venger et la vidéo leur a servi d’exutoire pour s’en prendre à d’autres pauvres comme eux, qui ont fui la misère et sont venus en Côte d’Ivoire pour gagner un peu d’argent.
Les véritables causes de la colère sont à chercher ailleurs. D’abord dans la misère que vit la majorité des ivoiriens, dans le chômage qui frappe de plus en plus, dans le travail précaire et très mal payé qui se généralise, dans le fait que la vie devient de plus en plus chère et qu’il devient de plus en plus difficile d’assurer le repas quotidien. La jeunesse défavorisée a le sentiment que son avenir est bouché, qu’il devient de plus en plus difficile de quitter le pays pour aller gagner sa vie en Europe ou en Amérique.
Ajoutés à cela, il y a les discours à caractère ethnique ou xénophobe véhiculés par les politiciens de tous bords, la répression de ceux qui veulent manifester contre un pouvoir incapable d’améliorer les conditions d’existence des populations pauvres, ne serait-ce que de résoudre les questions de la distribution de l’eau et de l’électricité qui font souffrir les habitants des quartiers populaires depuis plusieurs mois sinon plusieurs années et qui ne font que s’aggraver, etc.
Cela fait beaucoup de raisons pour se révolter contre cette société injuste mais si la colère des pauvres est dirigée contre d’autres pauvres, cela n’aboutit à rien de positif. Bien au contraire, cela se retourne contre eux-mêmes et ne fait que les diviser en laissant le champ libre aux vrais responsables : le pouvoir en place et les capitalistes qui mènent la vie dure aux travailleurs et à l’ensemble des pauvres.