L’éducation et la formation sont loin d’être une priorité pour les gouvernants

05 avril 2019

LEUR SOCIÉTÉ

C’est ce lundi 25 mars que les cours ont normalement repris dans les écoles en Côte d’Ivoire. Depuis près de deux mois, les enseignants étaient en grève. Face à leurs revendications, les autorités de tutelle ont préféré jouer au pourrissement, à la division et à la répression. Mais ces manœuvres au lieu d’affaiblir le mouvement, le radicalisait de sorte que les autorités ont fini par se résoudre à discuter avec les grévistes. C’est suite à des rencontres avec le 1er ministre du 21 et 22 mars que les enseignants ont levé leur mot d’ordre de grève pour un mois. Ce que les responsables gouvernementaux exigeaient comme préalable à toutes discussions.

La grève a été déclenchée le 22 janvier par une coalition de syndicats autour de cinq points de revendications : 1- la revalorisation des indemnités de logement des enseignants, 2- la suppression des cours du mercredi au primaire, 3- le relèvement au double des primes liées aux examens et la rémunération de leur surveillance, 4- le paiement des 500.000 F dus aux enseignants ex contractuels et la réintégration des 97 radiés en 2014 pour fait de grève, 5- la suppression de l’emploi d’instituteur adjoint.

Dès le départ la grève a été largement suivie sur l’ensemble du territoire national. Les autorités en charge de l’éducation ont commencé par nier le succès du mouvement. Mais face à l’évidence, le gouvernement a essayé d’affaiblir la grève en la qualifiant de « grève à relent politique ». Il encouragea la délation et donna l’ordre aux policiers de réprimer les grévistes.

Des policiers ont été postés devant les écoles pour soi-disant assurer la sécurité des enseignants qui voudraient donner cours mais qui auraient peur des représailles de leurs collègues en grève. Il sera exigé des chefs d’établissements scolaires de faire au quotidien la liste des enseignants grévistes et de les transmettre au ministère de tutelle. C’est sur la base de cette liste que des ponctions ont été faites sur les salaires des grévistes au premier mois de grève.

À Bouaké, le 25 février, un regroupement d’enseignants est attaqué pas des hommes cagoulés et armés. On dénombrera 5 blessés graves parmi les enseignants. 15 motos leurs appartenant ont été incendiées. Dans certains villages, des instituteurs ont été pris en chasse et leurs habitations incendiées.

Le gouvernement va aussi procéder à l’arrestation de quelques responsables syndicaux à Abidjan, Bouaké et Man.

Le mois de mars a commencé avec un durcissement de la situation. Le gouvernement a fait passer un responsable syndical à la télé pour appeler à la suspension du mot d’ordre de grève et à la reprise des cours pour le lundi 04 mars.

Toutes ces mesures n’ont pas eu le résultat escompté. Bien au contraire, le mouvement s’est généralisé. Les professeurs d’universités se sont solidarisés au mouvement pour protester contre les arrestations de syndicalistes et en ont profité pour mettre sur le tapis des revendications qui leurs sont propres, notamment le payement des heures supplémentaires contestées par la direction universitaire.

Les élèves des écoles publiques dont les enseignants étaient en grève ont procédé au délogement de leurs camarades des écoles privés. À Bouaké, les élèves et étudiants ont bloqué la voie internationale pour interpeler les gouvernants. Les actions des élèves et étudiants pour appeler à la reprise des cours se sont transformées en confrontations quotidiennes avec la police suivies de leurs lots d’arrestations.

De nouveau, le gouvernement hausse le ton en suspendant le salaire des grévistes et en gelant leurs comptes. Les enseignants ne cèdent pas à la menace et campent sur leur position et les tentatives de négociation ne donnent rien.

C’est ainsi que la Fesci, syndicat des élèves et étudiants, va décréter des journées d’action sur l’ensemble du territoire face à la menace d’année blanche qui commençait à se profiler après deux mois de suspension de cours. Le 19 mars, des marches ont été organisées à travers tout le pays. Et comme c’est le cas toujours, inévitablement, cela a donné lieu à des confrontations entre élèves et étudiants contre les policiers. Les images de ces déferlements d’élèves dans les rues ou des affrontements avec la police ont fait le tour des réseaux sociaux, plus particulièrement, celles de l’arrestation des gamins de 12 à 15 ans.

C’est dans ce contexte que les discussions ont été entamées entre gouvernement et enseignants sous l’égide du 1er ministre. Les cours ont repris, les enseignants et élèves mis aux arrêts ont été libérés, les comptes ont été dégelés. Mais, ce pour quoi, la grève avait commencé demeure. Le gouvernement va se prévaloir de la signature de la trêve sociale de 5 ans pour ne rien lâcher. Reste à savoir si les enseignants qui ont déjà montré leur combativité vont s’en laisser conter.