Éditorial

Assassinat du petit Bouba, un crime barbare d’un autre âge à imputer à cette société malade du capitalisme

14 mars 2018

Le 24 février, un petit garçon de 4 ans, Bouba, a disparu de la demeure familiale du quartier de Williamsville. Il aurait été tué par un voisin, un petit bijoutier bien connu de la famille. Ce dernier l’aurait égorgé puis vidé de son sang à des fins de rituels magiques. C’est son marabout qui lui aurait prescrit un tel « sacrifice pour devenir riche ».

Tout Abidjan est secoué et indigné par ce meurtre qui a plongé les populations dans la psychose des crimes rituels, surtout en cette veille d’élections où certains politiciens louent les services de féticheurs et autres marabouts pour « gagner des élections ». On peut se demander si derrière le crime commis par le petit bijoutier, il n’y a pas un commanditaire haut placé en mal de pouvoir magique. Les rumeurs vont bon train, alimentées par les réseaux sociaux et les médias.

On en est là en plein 21ème siècle, où les techniques de communication les plus sophistiquées comme l’internet, servent à propager les rumeurs les plus sordides, fondées sur des croyances venant du fond des âges. Le fait de cliquer sur un bouton et envoyer un message ou une image instantanément à l’autre bout de monde n’est pas considéré comme de la magie. Mais, il y a encore des gens qui sortent parfois des grandes écoles et qui continuent de croire qu’en sacrifiant un être humain et en buvant son sang, on peut devenir riche et puissant. Il y a dans ce pays des juges qui condamnent des pauvres gens pour avoir soi-disant « mangé l’âme » de quelqu’un ou de lui avoir « jeté un sort », etc.

C’est complètement stupide et aberrant mais c’est toute la société capitaliste qui est aberrante. Les moyens techniques et les connaissances scientifiques ne sont pas développés pour éclairer la conscience du plus grand nombre mais avant tout pour permettre aux capitalistes d’accroitre leurs profits. Il est dans l’intérêt des exploiteurs et des Etats qui sont à leur service, de maintenir les classes pauvres dans l’ignorance, d’entretenir les préjugés et les croyances de toutes sortes pour qu’elles continuent à croire que si elles sont pauvres c’est à cause d’un mystère qui échappe à leur volonté et à leur entendement. Comment s’étonner alors que les marabouts, les féticheurs et les charlatans de toutes obédiences, fleurissent dans les réseaux sociaux, les chaines de radios, les coins de rues pour vendre leurs grigris anti-accident, anti-poison, anti-malheurs et autres sacrifices pour devenir millionnaire ?

De nombreuses personnes ont tenu à participer à un rassemblement de solidarité avec la famille du petit garçon et en même temps pour dénoncer l’acte odieux. On a vu aussi la « première dame de Côte d’Ivoire » accompagnée de quelques politiciens, sur les pages des journaux en train de verser sa petite larme. «L’auteur de cet acte criminel ne restera pas impuni » a-t-elle dit. « Plus jamais ça », a dit un membre du gouvernement. Mais quelles décisions ont-ils prises pour que cela ne se reproduise pas ? Tous les jours à la radio, on continue de donner la parole aux charlatans. Les églises propagent à longueur de journée que les miracles sont des réalités. Des marabouts accompagnent certains politiciens pour les « protéger contre le mauvais sort », etc.

Des meurtres comme celui de Bouba, il y en aura d’autres. Ce ne sont pas les quelques indignations venant du palais présidentiel ou d’un ministère qui changeront quelque chose. Il s’agit d’un problème profond qui ne trouvera sa solution que par un changement en profondeur de la société. Si on ne met pas fin à la pauvreté et à l’ignorance, on ne peut pas mettre fin aux préjugés et aux croyances de toutes sortes qui en découlent. Or, les gens qui sont au pouvoir vivent d’un système qui engendre la misère. Ils ne peuvent pas lutter contre le système qui les nourrit.

Seuls les travailleurs, s’ils s’organisent pour mettre fin à cette société basée sur l’exploitation de l’homme par l’homme, peuvent réaliser ce changement en profondeur. En prenant le contrôle du pouvoir et de l’économie, ils mettront les moyens techniques et les richesses au service de la grande majorité. Ils mettront les moyens de l’Etat pour propager l’éducation de la population afin de lui donner la possibilité de comprendre les choses qui lui paraissent obscures aujourd’hui. C’est alors seulement qu’on pourra dire que la sorcellerie et les rites magiques seront enterrés avec le capitalisme, dans la poubelle de l’histoire humaine.