Grand ménage ou grande comédie ?
LEUR SOCIÉTÉ
Le 5 mars a eu lieu le lancement officiel d’une énième opération de nettoyage dénommé ‘‘grand ménage’’. Madame Anne Désiré Ouloto, la ministre de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement durable, trouve qu’Abidjan et les autres localités du pays sont insalubres. Ce qui est vrai. Pour prétendre remédier à cette insalubrité, elle s’est lancée dans une campagne de communication. Dans les médias, il y a eu des spots tout azimut. Voilà bien une curieuse manière de combattre l’insalubrité. Surtout que le gouvernement est totalement défaillant quand il s’agit des quartiers pauvres.
Pour sa propagande, madame la ministre s’est adjointe à la femme du président et d’autres pontes du gouvernement pour soi-disant sensibiliser les populations à la propreté de leur quartier. Elles ont fait appel aux medias pour qu’on les filme et photographie en train de donner des coups de balai. C’est grotesque et ridicule. Le but est de masquer la défaillance du pouvoir et d’accuser la population des quartiers pauvre d’être les responsables de l’insalubrité alors qu’elles en sont les victimes.
Pour rendre propre des grandes villes comme Abidjan, Bouaké ou Yamoussoukro, ces gens veulent faire croire qu’il suffirait que chacun balaye devant sa porte. Ce qui est totalement faux car Abidjan seule produit près de neuf mille tonnes d’ordure quotidiennement. Et il faut plus que de la bonne volonté des populations pour en venir à bout. Les habitants se débrouillent tant bien que mal pour envoyer les ordures produites par leur ménage aux endroits de pré-collectes. Mais c’est l’État qui est très défaillant et qui laisse les ordures grossir et pourrir faute de ramassage.
Si nos marchés ont toujours l’air de grandes décharges c’est précisément parce qu’il y a défaillance dans la chaine d’enlèvement des ordures. Les quartiers pauvres sont également dépourvus de caniveaux et de système de collecte des eaux usées. Même dans les endroits où cela existe, les caniveaux ne sont pas adaptés et sont continuellement bouchés. Les camions de ramassage d’ordure passent rarement dans ces quartiers à cause du mauvais état des voies d’accès.
Or cela fait quelques années que les autorités ont ajouté une taxe express de salubrité sur les factures d’électricité. Et même les municipalités prélèvent des taxes aux commerçants à cet effet. Malgré tous ces impôts, presque rien n’est fait pour garantir un cadre sain à la population pauvre.
Les entreprises de ramassage d’ordure et de balayage sont en nombre insuffisant. Et les travailleurs sont exploités férocement par ces entreprises qui s’enrichissent sur leur dos. Les femmes balayeuses de rue ne bénéficient pas d’équipement de protection adéquat. Elles sont exposées à la poussière et aux maladies. En plus, elles ne perçoivent pas à temps leurs maigres salaires. Bien souvent, c’est après d’âpres luttes qu’elles touchent leurs salaires.
Quant aux ordures industrielles, elles sont traitées comme des ordures ménagères ordinaires alors qu’elles sont très dangereuses. Elles sont déversées directement dans la lagune ou la décharge d’Akouédo sans traitement préalable. L’épisode du Probo Koala nous a montré l’incurie criminelle des dirigeants en matière de salubrité. Alors, qu’ils arrêtent de nous saouler avec leur opération purement publicitaire !