Il y a 70 ans la rébellion éclatait à Madagascar

20 mars 2017

Histoire

Madagascar est devenue colonie française en 1896. Dans ce pays plus grand que la France en superficie, les autorités coloniales ont recouru durant plusieurs dizaines d’années au travail forcé. Cela consistait à enrôler de façon obligatoire et non rémunérée, les adultes, dans tous les chantiers publics ou les concessions agricoles entre les mains des colons sur les terres qu’ils se sont accaparés avec l’appui du pouvoir. Les conditions d’exploitation étaient tellement inhumaines qu’une personne sur cinq succombait suite aux mauvais traitements et à la sous-alimentation.

Au lendemain de la 1 ère guerre mondiale, face aux divers mouvements de résistance que ces pratiques engendraient, les colonialistes ont dû assouplir ces pratiques proches de l’esclavage. Le travail forcé fut remplacé par les « prestations ». Cela consistait à faire effectuer à chaque homme malgache âgé de 16 à 60 ans, des travaux obligatoires non rémunérés durant 10 à 50 jours par an. A partir de 1926 l’administration coloniale a mis en place le SMOTIG (Service de Main-d’œuvre pour les Travaux d’Intérêt Général). C’est un service militaire obligatoire de 3 ans.

Durant la seconde Guerre mondiale, le pouvoir colonial avait aggravé les conditions d’existence de la population malgache. Le système de l’ « indigénat » a été appliqué de manière systématique. Il permettait à l’administration de condamner de façon impitoyable et sans jugement, les personnes qui avaient du mal à payer l’impôt sur la « capitation », ou ceux qui ne fournissaient pas de façon suffisante les produits agricoles exigés par le pouvoir colonial sous forme de réquisition. Toute la production de riz devait obligatoirement être collectée par l’ « Office du riz ». Une grande partie de cette denrée prenait la direction de la métropole et le restant était vendu à la consommation locale à prix élevé. Les bœufs, les clous de girofle, le caoutchouc, les bois tropicaux et d’autres denrées prisées par les colonialistes, partaient également vers l’hexagone

Madagascar, sous l’autorité de Vichy a été occupée durant plusieurs mois entre 1942 et 1943 par le Royaume-Uni. Ce qui a révélé une certaine faiblesse de l’autorité coloniale. Début 1944, lors de la conférence de Brazzaville, De Gaule avait plus ou moins laissé espérer l’autodétermination à ceux qui rejoindraient son camp contre celui de Pétain. Et puis encore les États-Unis, nouvelle puissance de premier rang, ne faisaient pas mystère de leur opposition au colonialisme. D’autre part, le retour au pays des anciens combattants malgaches de la 2e guerre mondiale a conforté ce sentiment de vulnérabilité du colonisateur.

La population malgache était exsangue et malgré la répression, des jacqueries ont éclaté en de multiples endroits. Dans la nuit du 29 au 30 mars 1947 toute la partie Est de l’île s’est soulevée. C’était une explosion spontanée. En de maints endroits les vétérans de la guerre ont rejoint la Rébellion. Le 31 mars un camp militaire français est attaqué par plusieurs centaines d’hommes armés de sagaies, de haches et de coupe-coupe. Un mois plus tard les révoltés libèrent 150 prisonniers du camp militaire de Moramanga.

En représailles, les Européens survoltés organisent une véritable milice de tueurs qui se livrent à des carnages. Des renforts militaires composés entre autres de légionnaires, de Nord-africains et de tirailleurs Sénégalais sont alors dépêchés par le pouvoir colonial vers Madagascar. Certains y laisseront leur peau. Il faudra au pouvoir colonial plusieurs mois et 89 000 morts pour arriver à briser le mouvement de révolte. Ce chiffre, en un premier temps avancé par les autorités, a été par la suite désavoué, mais il donne cependant une idée de l’ampleur du massacre colonial qui s’est traduit aussi par des tortures, des exécutions sommaires, des pillages et des mises à feu de villages etc. Parmi les crimes les plus graves, figure celui du 6 mai 1947 quand le commandant du camp de Moramanga fait mitrailler plus d’une centaine de militants du MDRM emprisonnés dans des wagons.

Le MDRM (Mouvement pour la Démocratie et la Rénovation Malgache) était un parti politique qui avait trois députés et espérait obtenir l’Indépendance par des voies légales, constitutionnelles, dans le cadre de l’Union française. Les dirigeants de ce mouvement réprouvaient l’insurrection, ramenée à des « crimes » et des « actes de barbarie et de violence ». Malgré cela le mouvement fut interdit et ses dirigeants ont eu à subir de multiples exactions et tortures car il fallait au pouvoir colonial, désigner des responsables, faire tomber les têtes afin d’enlever à la population toute velléité de s’opposer à son bon vouloir.

Cependant la répression n’a pas résolu tous les problèmes. Le cheminement vers l’Indépendance était inéluctable. L’ère coloniale était révolue et les grandes puissances comme la France et l’Angleterre ont dû, bon gré mal gré, lâcher leur mainmise directe sur les territoires sur lesquels ils régnaient en maîtres depuis plus d’un demi-siècle.