La véritable cause de la relative pénurie de denrées vivrières n’est pas là où on le dit
Une récente pénurie de manioc a entrainé un brusque renchérissement du prix de l’attiéké, une denrée de base fabriquée à partir du manioc. De nombreuses familles sont obligées de s’en priver, faute de moyens. Le prix de l’igname, de la banane, des tomates, des aubergines, ont aussi augmenté. La difficulté de se nourrir qui était déjà bien réelle est devenue un sujet d’inquiétude encore plus obsédant pour une partie toujours plus grande de la population laborieuse dont les revenus sont réduits à la portion congrue.
Les ministres et les prétendus experts en climat ont tour à tour accusé le « réchauffement climatique » ou la sècheresse, d’être les responsables de cette pénurie. Mais la récente sécheresse relative, si tant est qu’elle a eu son effet, n’est pas la véritable cause du renchérissement des produits vivriers. La véritable cause est à chercher dans le fait que les cultures de rentes comme l’hévéa, le cacao ou l’anacarde (encouragées par l’État parce que cela lui rapporte des devises) prennent de plus en plus de terres agricoles, au détriment des cultures vivrières.
Poussés par l’espoir de toucher un revenu conséquent dans la pratique de ces cultures d’exportation, les petits paysans y mettent toute leur énergie et y consacrent le maximum de leur terre. C’est ainsi qu’ils se retrouvent dans une situation où eux-mêmes ne produisent plus ou pas assez de cultures vivrières pour leur propre subsistance. Ils sont alors contraints d’acheter des produits qu’ils cultivaient auparavant. C’est ainsi que l’on constate que des habitants de certaines localités proches d’Abidjan comptent désormais sur leur familles travaillant dans la capitale pour leur faire parvenir des denrées comme le piment, l’aubergine ou la tomate alors qu’il n’y a pas longtemps, ce sont eux qui fournissaient ce genre de produits à leurs familles implantées dans les villes.
Il y a quelques années le prix de vente de l’hévéa avait grimpé jusqu’à environ 1000 Francs Cfa le kilo. Ce prix relativement élevé a provoqué une sorte de ruée des petits planteurs vers cette culture. Mais entre le moment où le paysan décide de se mettre à l’hévéa et celui où il commencera à recueillir la fameuse sève qui sert à fabriquer le caoutchouc, il faut au moins 5 à 7 ans selon la qualité de la terre, l’hygrométrie, la quantité d’engrais et de produits phytosanitaires que le paysan consacre à sa plantation. Au moment où celui-ci veut vendre son produit, le prix n’est pas forcément celui qu’il espérait. Il ne peut pas facilement faire marche-arrière car il a déjà investi de l’argent et du travail. Il ne peut pas non plus stocker sa récolte et attendre une hypothétique hausse du prix. Il se retrouve pieds et poings liés aux entreprises de l’agro-industrie et contraint de se plier au prix du marché international qui varie à chaque instant à cause de la spéculation mondiale.
Aujourd’hui le prix de l’hévéa au producteur est descendu à 265 Francs Cfa le kilo. Il y a quelques temps, il était même tombé bien en dessous. Le petit paysan se trouve parfois étranglé de dettes car il a misé sur un prix plus élevé de son produit. C’est alors la ruine et le désespoir ainsi que le risque de sombrer dans la misère. C’est ainsi que le capitalisme mondiale étrangle les pays pauvres et affament des millions de familles à travers le monde.