Un capitaliste qui veut passer pour un bienfaiteur de l’humanité

27 janvier 2016

Dans le journal Fraternité-matin du 28 décembre, il y a un « appel à candidature » pour une « organisation à but non lucratif ». Il s’agit, lisons-nous, « d’une agence œuvrant à l’amélioration de la qualité de la vie et à la création d’opportunités pour les populations dans certaines régions du monde en développement. Elle opère dans le développement social afin de trouver des solutions durables aux problèmes vitaux comme la pauvreté, la faim, l’analphabétisme, la maladie ».

Après lecture d’une telle annonce, on a envie de dire que dans cette société capitaliste qui est cruelle pour les travailleurs, il y a tout de même quelques rares fois des petites choses qui font chaud au cœur. Mais quelle grosse erreur, que de le penser !

En effet, il s’agit en fait d’une annonce de la Fondation Aga Khan (AKF). C’est ce même capitaliste qui est aussi propriétaire de Filtisac et Ivoire Coton.

Or, Filtisac vient de supprimer de nombreux postes de travail dans son usine de confection de sacs de jute pour le café-cacao. Il s’avère que ce capitaliste gagne en ce moment plus d’argent en faisant venir du fil de jute prêt à l’emploi, au lieu de le tisser sur place comme par le passé. Du coup, les travailleurs qui faisaient ce travail sont passés à la trappe.

Ce patron a ainsi jeté dehors d’anciens travailleurs, à qui il avait décerné une « médaille » il y a quelques temps. Ils ont été exploités durant des années, leur santé a été fragilisée par les mauvaises conditions de travail ainsi que par la pollution qu’ils ont respiré durant toutes ces années dans cette usine. Les autres anciens travailleurs qu’il n’a pas encore renvoyés, il les a déplacés à d’autres postes. Il leur a laissé seulement un délai de trois mois pour s’adapter, au bout duquel, ils ont obligation de produire autant que ceux qui sont habitués à travailler à ces postes, au risque d’être aussi renvoyés comme des malpropres ! Or, ceux qui font ce travail savent qu’il faut un an d’adaptation pour produire la quantité qui leur est exigée. En fait, l’objectif de ce patron, c’est de mettre tous les embauchés et les malades à la porte, les uns après les autres, pour n’utiliser ensuite que des journaliers qu’il peut exploiter et jeter dehors à sa guise, en leur payant un salaire de misère.

Dans la seconde société appartenant à ce capitaliste, Ivoire Coton, les choses ne sont pas meilleures pour les travailleurs. A l’origine, c’était une société d’État florissante qui s’appelait CIDT, avec plusieurs usines réparties au Nord du pays. La CIDT a été démembrée en plusieurs bouts par l’État pour être cédée à des capitalistes. C’est ainsi que certaines d’entre elles, avec un effectif d’environ 1300 travailleurs, ont été vendues à vil prix à Aga Khan. Sur le papier, il avait obligation de maintenir ses effectifs.

Il s’avère que l’activité cotonnière est saisonnière et dure environ 5 mois dans l’année. Alors, en bon capitaliste, dès la première occasion venue, sous prétexte de crise en Côte d’Ivoire, alors que cette crise n’avait nullement perturbé l’activité de ses usines, ce dernier a jeté plus de 900 travailleurs à la porte… pour les réembaucher aussitôt en tant que travailleurs journaliers. Par ce tour de passe-passe, voilà comment ces mêmes travailleurs de la CIDT continuent à occuper les mêmes postes, à la différence qu’ils ne perçoivent plus que 5 mois de salaires contre 12 mois (plus quelques « avantages ») auparavant. Autant dire que les profits n’ont jamais été aussi juteux pour ce capitaliste fortuné, d’autant plus que la production cotonnière en Côte d’ivoire est en constante hausse.

Alors, contrairement à ce qui est écrit dans le quotidien national, le but de ce monsieur est tout sauf « non lucratif », tout sauf « trouver des solutions durables aux problèmes vitaux comme la pauvreté, la faim, l’analphabétisme, la maladie ».