Côte d’Ivoire – Les vrais responsables de la pauvreté et du « désordre urbain »
Le 22 juillet dernier, le gouvernement a lancé en grande pompe l’opération « lutte contre le désordre urbain » dans le district d’Abidjan. Une brigade forte de 295 policiers municipaux a été mise sur pied à cet effet. On l’a vu récemment à l’œuvre à Abobo, Adjamé, Cocody, Anyama avec toute la brutalité et la férocité dont elle est capable lorsqu’il s’agit de s’en prendre aux pauvres. Armés de marteaux, de gourdins, de pioches et autres pieds de biche, les policiers se sont acharnés sur les étals des petits commerçants. Certains n’ont même pas eu le temps d’enlever leurs marchandises, elles ont été saisies. Dans les marchés et au milieu de certaines autoroutes, c’était des courses poursuites derrière des marchands ambulants. Des pousse-pousse ont été fracassés à coup de marteau. Des mendiants ont été arrêtés et embarqués à la prison.
Ce sont ces petites gens qui tentent de survivre en faisant du petit commerce aux abords des trottoirs, les marchands ambulants, les tireurs de pousse-pousse communément appelés Wottro, les estropiés qui vivent de mendicité, etc. que les autorités désignent comme fauteurs de « désordre urbain ». Ce sont au contraire des victimes de la politique des dirigeants de ce pays qui font tout pour protéger les intérêts de ceux qui s’enrichissent de l’exploitation des travailleurs et des petits paysans, de ceux qui bloquent les salaires alors que les prix s’envolent, de ceux qui veulent mettre la main sur tout ce qui peut agrandir leur fortune, quelles qu’en soient les conséquences.
À entendre les gens du pouvoir, la Côte d’Ivoire serait devenue, grâce à eux, pres-qu’un paradis. Mais ils sont en même temps forcés de constater que tout un océan de misère les entoure. Incapables qu’ils sont de lutter contre la pauvreté, c’est contre les pauvres qu’ils luttent. Ils veulent les chasser loin des centres villes, loin de leurs quartiers luxueux pour ne pas gâcher leur paysage et leur quiétude ; ils ne veulent pas les voir par les vitres de leurs voitures rutilantes lorsqu’ils circulent dans la ville. Mais la réalité est têtue. La pauvreté, ils ne peuvent pas s’en débarrasser car c’est précisément le système qui leur permet de s’enrichir qui crée en même temps la mi-sère des autres. Ce sont les deux faces de la même médaille : d’un côté, l’opulence pour la minorité parasite, de l’autre les taudis, le chômage ou les bas salaires, les logements insalubres et toutes sortes de privations pour la grande majorité.
C’est ce système-là qu’il faut changer de fond en comble, et c’est seulement la classe des travailleurs des villes et des campagnes qui peut réaliser ce change-ment, parce que c’est elle qui est à la base de la production des richesses et qui fait fonctionner la société. Elle n’aura que ses chaînes à perdre avec la disparition du capitalisme.
Voilà ce qui reste d’un quartier populaire d’Adjamé-Village, à Abidjan, après sa destruction par les auto-rités le 25 juillet 2024. (Photo de Serge Tapé, Abidjan.net).