Côte d’Ivoire – La question du mal-logement

08 juillet 2024

Les démolitions de plusieurs quartiers pauvres suite aux nombreuses opérations de déguerpissements décidées par le gouvernement, ont fortement aggravé les conditions d’existences des classes laborieuses. À la cherté de la vie, aux bas salaires et aux conditions de travail infernales, s’ajoute le fait que les familles ouvrières sont chassées de leurs quartiers comme des indésirables. Ceux qui étaient déjà des mal-logés ont été transformés brutalement en sans-abris pour permettre à quelques promoteurs immobiliers de s’emparer des terrains libérés. C’est un crime dont le premier responsable est le gouvernement qui ne s’est jamais préoccupé de reloger correctement ceux qui, faute de moyens, sont condamnés à vivre dans ces quartiers misérables.

La montagne a accouché d’une souris

En 2012, le gouvernement estimait déjà qu’il fallait construire 400 000 logements pour couvrir les besoins de la population, principalement dans la ville d’Abidjan. L’État s’était alors engagé à construire 60.000 logements « sociaux » chaque année pendant 5 ans, une quantité bien en dessous des besoins.

Ce projet a suscité un réel engouement au sein de la population ; beaucoup de familles ont participé à la souscription mais le problème c’est que pour obtenir un logement il fallait graisser la patte de certains fonctionnaires. 5 ans après, seulement 10.000 logements ont pu sortir de terre. Ils n’avaient de « sociaux » que le nom puisque leurs prix étaient hors de portée de l’écrasante majorité des travailleurs qui étaient censés en bénéficier. Les familles pauvres ont été de fait éjectées de ce programme et pendant ce temps, le chiffre des besoins en logement n’a fait qu’augmenter, il est aujourd’hui estimé à 800.000.

Prolifération des quartiers précaires et chasse aux pauvres

La conséquence logique de l’incapacité des gouvernements successifs à construire des logements sociaux en quantité suffisante a été la prolifération des bidonvilles et des quartiers dits précaires. D’ailleurs, comment pourrait-t-il en être autrement puisque la population d’Abidjan est en constante croissance alors que l’offre de logements ne suit pas. Du coup, tous les terrains libres en périphérie de la ville ou autour des zones industrielles sont devenus des lieux d’habitations de fortune pour ceux qui n’avaient pas les moyens de louer des logements ailleurs.

En 2019 le gouvernement a dénombré dans la seule ville d’Abidjan 132 quartiers précaires abritant plus d’un million deux cent mille personnes. Sous prétexte de sauver des vies et de mettre fin au « désordre urbain », le gouvernement s’en est pris aux habitants des quartiers précaires. Ainsi, Boribana, Banco 1, des pans entiers de Gesco et Adjamé Bracodi, etc., ont été démolis. Récemment le « quartier Abattoir » en a fait les frais. Des milliers de familles ont été jetées à la rue comme des animaux, sans relogement !

Aujourd’hui, ces terrains sont prisés, notamment par les capitalistes de l’immobilier.  Des projets sont en cours à certains endroits. Des magasins sortent de terre souvent sur des zones qui étaient hier qualifiées de « non constructibles». Tandis que les promoteurs immobiliers accaparent les terrains libérés, les pauvres qui y habitaient ont été chassés plus loin vers la périphérie de la ville, dans un dénuement total en cette saison de pluies qui a déjà causé des morts.

Le droit au logement comme le droit à une vie décente ne s’obtiendra que par la lutte

La question du logement des travailleurs ne sera résolue ni par les exploiteurs, ni par les dirigeants du pays qui n’ont d’égards que pour les intérêts des riches. Ce ne sont pas les moyens techniques et financiers qui manquent puisque le gouvernement en a trouvé pour organiser la dernière CAN. S’il en avait la volonté, il pourrait obliger les grands capitalistes à débourser de l’argent pour loger leurs employés. Les bras ne manquent pas non plus dans ce pays pour construire ces logements, bien au contraire, il y a une multitude de travailleurs qui ne demande qu’à travailler !

Mais attendre du gouvernement et du patronat qu’ils viennent au secours des mal logés c’est comme  attendre d’un bouc qu’il produise du lait ! C’est aux travailleurs eux-mêmes de s’organiser pour défendre leurs droits à une existence décente.