Nigeria – Grève générale pour une augmentation conséquente des salaires face à la flambée des prix
Ceux qui profitent des recettes du pétrole
Dans ce grand pays pétrolier de 220 millions d’habitants, seule une petite minorité s’enrichit à tel point que certains figurent dans le palmarès des milliardaires les plus fortunés de la planète. Leur fortune ne vient pas de leur sueur mais de celle des travailleurs qu’ils exploitent férocement grâce au soutien quasi dictatorial de l’État. Celui-ci les protège et en même temps c’est leur vache à lait. Les recettes pétrolières provenant des miettes laissées par les sociétés multinationales d’hydrocarbures sont littéralement siphonnées par les dirigeants du pays. Le comble c’est que tout en étant le 2ème producteur de pétrole du continent africain, ce pays est obligé d’importer son carburant car l’État est incapable de raffiner son propre pétrole.
Non seulement la grande majorité de la population ne profite pas des recettes pétrolières mais en plus de cela elle souffre des dégâts causés par l’extraction de cette ressource : empoisonnement des sols, de l’air et de l’eau, propagation des maladies de la peau et des poumons, raréfaction des poissons dans les rivières souillées, etc. sans compter la prolifération des gangs armés agissant dans le trafic de pétrole et autres ressources. Le premier des gangs étant l’État lui-même.
Ceux qui s’appauvrissent à cause des bas salaires et de la flambée des prix
Selon les chiffres officiels, 63% de la population vit dans la pauvreté. Certains, tout en travaillant, sont contraints de sauter des repas, de manger un riz de mauvaise qualité habituellement réservé à la nourriture des poissons d’élevage. Des cas de famine ont été signalés dans certaines régions. Au début de mars 2024, un dépôt alimentaire a été pillé par des centaines de personnes, à Abuja, la capitale politique.
Cette situation déjà catastrophique s’est aggravée brutalement lorsque, en mai 2023, le nouveau président Bola Tinubu a décidé de mettre fin aux subventions de l’État sur le prix du carburant. D’un seul coup le prix a été multiplié par trois, entrainant des augmentations en cascade sur les prix de produits alimentaires et des services. Le prix du transport et celui de l’électricité ont aussi augmenté en flèche. Rien que pour le seul mois de mai 2024, l’inflation est montée à 33%.
Montée de la colère des travailleurs et déclenchement de la grève générale
Cette flambée des prix a provoqué la colère des travailleurs. Déjà en février dernier, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rue de Lagos et d’autres grandes villes du pays pour protester contre la vie chère mais le gouvernement a fait comme si de rien n’était.
Le mouvement revendicatif s’est amplifié dans le secteur public et dans le privé. Les principaux syndicats influents, le NLC (Nigeria Labour Congress) et le TUC (Trade Union Congress), proposent au gouvernement de se mettre autour d’une table pour négocier tranquillement d’une révision du salaire minimum légal, jusque-là fixé à 30.000 nairas (environ 20 euros ou 13 119 francs Cfa). Ils ont essuyé un refus méprisant du gouvernement et cela a augmenté la colère de leur base favorable à l’arrêt du travail pour forcer le gouvernement à augmenter les salaires. Les dirigeants des appareils syndicaux ont alors brandi la menace d’une « grève générale illimitée ». Le gouvernement à baissé le ton et a accepté de relever le smic à 60 000 nairas (près de 40 euros ou 26 240 francs Cfa). C’est le double du smic précédant mais il reste dérisoire face à la flambée vertigineuse des prix.
Le gouvernement a cru qu’il allait calmer les travailleurs en proposant cette augmentation mais il a récolté un « non » franc et massif car les travailleurs veulent une vraie augmentation permettant de faire face à l’inflation galopante.
Les syndicats entrainent le mouvement de grève vers une impasse
Le bras de fer entre la classe ouvrière et le gouvernement est devenu alors de plus en plus tendu. Les leaders syndicaux ont commencé à dénoncer le mépris du gouvernement. Alors que celui-ci refuse toute augmentation du smic au delà des 60 000 nairas qu’il a difficilement consentis, les syndicats réclament 494 000 nairas par mois (environ 300 euros ou 196 000 francs Cfa). Ils appellent à la grève générale tout en demandant aux grévistes de « rester chez eux ».
Durant ces deux journées de grève, le 3 et 4 juin 2024, l’activité économique du pays a été fortement ralentie : aéroport fermé, électricité coupée, transport public à l’arrêt, stations de service fermées, idem pour le commerce, les écoles et une partie de l’administration, etc.
Ce ne sont pas les travailleurs qui ont décidé de l’arrêt de la grève au bout de 2 jours mais les dirigeants syndicaux. Ceux-ci ont demandé sa « suspension » alors qu’ils venaient de déclarer que la grève serait générale et « illimitée ». De plus, le gouvernement n’a pas cédé d’un iota sur leur principale revendication. Ce qui a motivé leur mouvement de marche arrière c’est la nouvelle proposition du gouvernement qui a dit qu’il est prêt à les recevoir « chaque jour » pour négocier avec eux. Les travailleurs n’ont pas eu leur mot à dire sur la décision de suspendre la grève mais le feu de la colère n’est pas encore éteint et la flambée des prix ne cesse d’aggraver leurs conditions d’existence.
Même si le travail a repris alors que le gouvernement n’a rien cédé, les travailleurs ont une fois de plus montré que s’ils arrêtent de travailler rien ne fonctionne. C’est eux qui produisent les richesses et font marcher l’économie. C’est en prenant conscience de cette force sociale colossale qu’ils constituent grâce à leur nombre et à leur rôle fondamentale dans l’économie, qu’ils pourront mieux se défendre et contester la domination de la bourgeoisie sur la société toute entière.