Crise au sein de la Cédéao : ce sont les populations pauvres qui en font les frais
Le 29 janvier dernier, le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ont décidé de se retirer ensemble de la Cédéao (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Quelques mois plus tôt, ils n’étaient encore que « suspendus », de même que la Guinée, pour motif de coup d’État.
Des sanctions leur ont été infligées, et cela s’est traduit surtout par des mesures financières et commerciales accompagnées de menace d’interventions militaires pour le retour à «l’ordre constitutionnel» et à un pouvoir civil. Mais ce sont surtout les populations pauvres qui ont fait les frais des ces sanctions qui se sont traduites par exemple par la pénurie de médicaments et de certains produits de première nécessité.
De leur côté, les putschistes de ces trois États ont décidé de se regrouper au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) et menacé de sortir de la zone franc pour créer leur propre monnaie.
La durée de vie d’une telle alliance de circonstance dépendra avant tout de la durée de vie de ces régimes. Cette région du Sahel est particulièrement connue pour son instabilité chronique. Ces trois pays totalisent 18 coups d’État depuis leur indépendance et peut-être autant sinon plus de tentatives qui n’ont pas abouti.
La politique de la France, ancienne puissance coloniale, dans cette région qu’elle a toujours considérée comme son pré-carré, n’est pas étrangère à cette instabilité. La manière dont elle a tracé arbitrairement les frontières de ces pays lors de la décolonisation, sans tenir compte de l’histoire du peuplement de cette région, est déjà une source de conflits. Ensuite, elle a tout fait pour que cette région continue de rester sous sa domination en déstabilisant un régime lorsque celui-ci ne se montrait pas très docile, y compris en fomentant des coups d’État contre des régimes civiles pour installer ses propres pions issus de l’armée. C’est l’État français qui est à l’initiative des premiers coups d’État dans cette région, par exemple au Mali en 1968, en choisissant le militaire Moussa Traoré pour renverser le civil Modibo Keïta.
Aujourd’hui, avec trois membres de moins et un quatrième (Niger) suspendu, la Cédéao qui en comptait jusqu’ici 15, est en crise. Sa politique à l’égard des putschistes de Bamako, Ouagadougou et Niamey indique son alignement à celle de l’impérialisme français qui ne tolère pas que quelqu’un prenne le pouvoir sans son aval dans ses anciennes colonies, et encore moins ceux qui lui sont hostiles.
Il est évident que ce retrait de la Cédéao va pénaliser en premier lieu les populations pauvres de ces pays, notamment celles qui vivent dans les pays voisins tel que la Côte d’Ivoire. Leurs déplacements risquent d’être encore plus entravés par l’instauration de nouvelles barrières douanières qui ne manqueront pas de surgir, sans compter les tracasseries supplémentaires et les rackets sur les routes.
Cela se traduira inévitablement par un renchérissement des prix du transport et des denrées. Mais tant que ce sont les populations pauvres qui en souffrent, cela n’empêchera ni les putschistes, ni les dirigeants de la Cédéao de dormir sur leurs deux oreilles.
Derrière le conflit entre, d’un côté les dirigeant de la Cédéao qui prétendent défendre la constitution et la démocratie et de l’autre, les putschistes qui prétendent défendre leur droit à la « souveraineté nationale », il y a surtout des enjeux économiques qui s’entrechoquent et auxquels se mêlent des ambitions personnelles.
Si les coups d’États qui ont eu lieu dans ces trois pays sahéliens avaient reçu l’aval de Paris, comme celui qui s’est fait au Tchad par Deby fils, ça se serait probablement passé différemment. L’impérialisme français à certes été contraint de lâcher du lest en évacuant militairement ses troupes militaires de ces trois pays mais ce n’est pas pour autant qu’il abandonne ses intérêts, surtout en cette période de crise économique mondiale où chaque puissance cherche à protéger, voire à agrandir sa zone d’influence.
Dans cette crise économique mondiale qui ne cesse de s’aggraver, les pays les plus pauvres du globe sont doublement affectés. En plus de subir le pillage de leurs ressources, ils sont aussi victimes des rivalités entre grandes puissances qui se battent pour mettre la main sur ces ressources. C’est cela qui alimente les putschs, les sécessions, les rébellions et autres guerres de clans qui ensanglantent l’Afrique.
Tant que l’économie mondiale fonctionnera sur la base du système capitaliste, l’Afrique ne sortira pas de ces crises et de ces guerres, et ce sont toujours les populations les plus démunies qui en pâtiront.